Sur l'alpage d'Astras-Tamangur
Du lait au fromage d'alpage
Départ avant le lever du soleil
Il fait plutôt froid en ce tout petit matin de juin. Le ciel est sans nuages et les étoiles scintillent encore au-dessus de Scuol, le village des eaux minérales en Engadine. Peu après quatre heures, alors que la plupart des gens dorment encore profondément, l'agriculteur Anton à Porta est déjà bien réveillé. Car aujourd'hui, c'est la montée à l'alpage et Anton veille à ce que les vaches de sa ferme, qui appartient à sa famille depuis des générations, soient prêtes pour le départ.
Une longue marche d'une vingtaine de kilomètres les attend. Après avoir traversé l'Inn, la rivière alpine qui a contribué à donner son nom à l'Engadine (en rhéto-roman : En = Inn), ils se dirigent vers l'impressionnant et sauvage Val S-charl, où l'on extrayait autrefois de l'argent. Depuis le village du même nom, le chemin continue à serpenter, toujours plus profondément dans la vallée latérale, le long d'un ruisseau de montagne tumultueux, la Clemgia. Le petit groupe qui entoure la montée à l'alpage arrive alors au God da Tamangur, la forêt d'aroles la plus haute d'Europe. La vallée change, devient plus large et plus ouverte. Les montagnes se retirent doucement et laissent entrevoir l'objectif, là où les vaches passeront l'été : L'alpage Astras-Tamangur.
Agriculteur par passion
Anton à Porta aime sa vie de paysan. Il aime la diversité des activités, le fait qu'aucune journée ne se ressemble et qu'il puisse prendre ses propres décisions. Enfant, il courait déjà dans la ferme de ses parents et dans les champs environnants lorsqu'il a su qu'il voulait suivre cette voie. Après avoir terminé l'école de gestion agricole, il a décidé de reprendre la ferme avec sa femme, Leta.
J'apprécie de travailler avec les animaux en pleine nature et je suis fier de contribuer à l'approvisionnement alimentaire.
Anton est convaincu que dans une région de vacances comme l'Engadine, il faut des aliments produits localement et que les hôtes et les habitants sont prêts à mettre un peu plus la main à la poche pour les apprécier. L'agriculture dans une vallée de montagne est encore un véritable travail manuel et les coûts salariaux doivent être couverts. En revanche, on sait où et comment les produits sont fabriqués. Les distances de transport sont plus courtes et ont moins d'impact sur l'environnement. La valeur ajoutée reste dans la région et les emplois sont garantis.
Les défis qu'implique cette vocation, mais aussi la jungle réglementaire ainsi que la bureaucratie croissante le préoccupent également. Comment l'exploitation évoluera-t-elle un jour s'il ne peut plus travailler ? Ses fils, qui suivent actuellement des voies totalement différentes, se plairont-ils à l'idée de reprendre la ferme ? Anton n'a pas de réponse à cette question. Les questions de succession pour les agriculteurs* peuvent être difficiles, surtout dans une région de montagne comme l'Engadine. Les heures de travail sont longues et le travail est physiquement exigeant, ce qui décourage de nombreux jeunes. De nombreuses surfaces ne peuvent pas être travaillées mécaniquement en raison de la topographie. Le nombre d'exploitations est en constante diminution.
Anton ne se laisse pas décourager pour autant. Lorsqu'il regarde en arrière après une longue journée, il sait très bien à quel point son travail est précieux pour la région et l'une ou l'autre ride d'inquiétude se lisse.
Du lait au fromage d'alpage
Pendant ce temps, les vaches profitent de l'herbe abondante, agrémentée de fines herbes d'alpage, autour de l'alpage d'Astras-Tamangur. Selon Anton, le degré de minéralisation est ici plus élevé qu'au fond de la vallée et contribue à la bonne santé des ruminants. Le beurre d'alpage devient ainsi un peu plus crémeux et le fromage fabriqué ici acquiert son goût particulier.
En parlant de fromage, celui-ci est fabriqué à la main par Marcel Adam et son aide. Depuis plus de 20 ans, ce père de famille est alpagiste dans le Val S-charl. Originaire du Tyrol du Sud, il arrive au printemps et ne quitte la vallée qu'en automne. Entre-temps, il vit sans interruption sur l'alpage. Seuls sa femme et ses collaborateurs quittent de temps en temps ce paradis isolé pour aller faire des courses.
C'est comme une addiction. Tant que ma santé le permet, je m'y consacre corps et âme.
Mais la vie à l'alpage n'est pas aussi romantique qu'on pourrait l'imaginer. Il faut travailler du matin au soir, par tous les temps. Les animaux doivent être soignés et ne peuvent pas attendre.
Selon Marcel, les aides sont toutefois les bienvenues, mais elles doivent être conscientes qu'il ne reste pas beaucoup de temps pour se reposer et profiter de la vie. Il ne faut pas non plus sous-estimer la promiscuité qui règne 24 heures sur 24. En revanche, le soir, on sait exactement ce que l'on a fait, conclut Marcel avec un sourire radieux.
La journée de Marcel commence bien avant le lever du soleil, lorsque l'absence de sources lumineuses dans le Val S-charl permet de voir clairement et en grand nombre les étoiles. Il faut rassembler les vaches des pâturages environnants et les traire. Une partie du lait est ensuite versée dans un chaudron et chauffée lentement en étant constamment remuée. Pour la dégradation du lactose et la maturation ultérieure, Marcel ajoute des cultures de bactéries lactiques, ainsi que de la présure naturelle pour que le lait coagule.
Dès que cela est fait, la masse est coupée régulièrement avec le tranche-caillé et le brassage se poursuit. Pour finir, Marcel retire le fromage de la cuve à l'aide d'un torchon et le place dans plusieurs moules où il est pressé. Après cette procédure, le fromage peut se reposer dans une cave. Pendant le processus de stockage, il est encore affiné avant d'être finalement proposé à la vente dans les magasins régionaux de Basse-Engadine.
Mais c'est après une randonnée à pied ou en VTT qu'il est le plus savoureux, directement à l'alpage d'Astras-Tamangur, dans l'agréable "ustaria", avec une vue panoramique magnifique sur la vallée et les montagnes environnantes.
Mais Marcel n'a pas le temps de souffler. Avant de nettoyer soigneusement les locaux de travail et les ustensiles, il fabrique encore du beurre d'alpage frais. Pour ce faire, il utilise la crème du lait cru, écrémée dans un bac de refroidissement du lait après la pasteurisation. Marcel façonne le beurre à la main et un doux parfum envahit la pièce.
C'est maintenant le matin et Marcel et son équipe sont debout depuis environ cinq heures. L'estomac gargouille et il est enfin temps de faire une petite pause petit-déjeuner - sans oublier bien sûr le délicieux fromage d'alpage Tamangur.
Les vaches restent trois mois au fond du Val S-charl avant d'être ramenées à Scuol par la traditionnelle désalpe.
Produits laitiers frais de la région
Les quelque 600 à 1200 litres de lait produits chaque jour sur l'alpage d'Astras-Tamangur servent à fabriquer du fromage d'alpage et du beurre d'alpage.
Plus frais encore, le lait peut aussi être collecté directement dans de nombreuses fermes, comme chez Anton à Porta.
Anton apprécie visiblement que les habitants et les visiteurs "tirent" le lait chez lui et repartent avec un visage heureux. Le fait de pouvoir approvisionner les gens en denrées alimentaires le remplit de fierté.
La population profite en général de la diversité des producteurs de produits (laitiers) locaux. Les fromageries environnantes de Tschlin, Sent et Ftan sont d'importants transformateurs de lait et proposent différentes spécialités savoureuses.
En tant qu'ancien président de la Chascharia Engiadinaisa à Bever, il tient particulièrement à cœur à Anton de s'engager en faveur de l'économie laitière et de pouvoir approvisionner les gens en denrées alimentaires régionales.
Texte et photos : Dominik Täuber.
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